Les derniers chiffres d\u2019une \u00e9tude men\u00e9e conjointement par Oracle et Future Workplace laissent perplexes quant au degr\u00e9 d\u2019enthousiasme des salari\u00e9s fran\u00e7ais sur l\u2019av\u00e8nement de l\u2019intelligence artificielle. Ils ne sont que 8 % \u00e0 se d\u00e9clarer enthousiasm\u00e9s par l\u2019IA contre 22 % aux \u00c9tats-Unis et 20% au Royaume-Uni. Paradoxalement, 56 % des salari\u00e9s fran\u00e7ais font plus confiance aux robots qu\u2019aux managers. Sans surprise, les collaborateurs, globalement, restent convaincus que les dirigeants sont plus aptes que l\u2019IA pour la compr\u00e9hension des sentiments (39 % en France) ou la cr\u00e9ation d\u2019une culture d\u2019entreprise (20 % des salari\u00e9s hexagonaux). Nous avons demand\u00e9 \u00e0 Jean-Philippe Couturier, auteur de Lorsque mon boss sera une intelligence artificielle, <\/em>de nous aider \u00e0 d\u00e9crypter ces tendances.<\/p>
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1) Comment expliquez-vous que la France soit plus r\u00e9ticente que d\u2019autres pays face \u00e0 l\u2019\u00e9mergence de l\u2019intelligence artificielle ?<\/strong><\/p>
Les Fran\u00e7ais prennent souvent plus de pr\u00e9cautions que d\u2019autres pays. Nous ne sommes pas connus pour notre go\u00fbt du risque. Le principe de pr\u00e9caution a \u00e9t\u00e9 introduit en droit fran\u00e7ais par la loi Barnier du 2 f\u00e9vrier 1995 sur le renforcement de la protection de l\u2019environnement. Depuis le 1er<\/sup>\u00a0mars 2005, ce principe a valeur constitutionnelle. Bien entendu, on parle ici d\u2019environnement et pas d\u2019IA<\/a> mais je veux ici faire ressortir l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit g\u00e9n\u00e9ral qui nous anime. L\u2019intelligence artificielle est une \u201cgeneral purpose technology\u201d. \u00c7a n\u2019est pas une simple \u00e9volution, c\u2019est une r\u00e9volution comme l\u2019a \u00e9t\u00e9 en son temps l\u2019\u00e9lectricit\u00e9. Les Fran\u00e7ais sont conscients des enjeux de manipulation de donn\u00e9es, de vie priv\u00e9e, de libert\u00e9 mais aussi du maintien de l\u2019emploi. Pourtant il ne faut pas oublier que l\u2019IA permet des progr\u00e8s dans le diagnostic des cancers, des infarctus ou bien dans la mise au point de nouveaux traitements m\u00e9dicaux ou encore l\u2019am\u00e9lioration de l\u2019efficacit\u00e9 des vaccins.<\/p>
Je ne crois pas qu\u2019il y ait de paradoxe. Les Fran\u00e7ais sont r\u00e9ticents face \u00e0 l\u2019\u00e9mergence de l\u2019IA<\/a> car ils ont conscience des enjeux de vie priv\u00e9e ou d\u2019emploi. Quand on parle d\u2019emploi, ils pensent \u00e0 leur emploi mais aussi \u00e0 leurs conditions de travail actuelle. Les entreprises sont soumises aux biais humains dans les d\u00e9cisions RH et manag\u00e9riales (bonus, augmentation de salaire, promotion, etc). \u00c0 la recherche de plus d\u2019\u00e9quit\u00e9 de traitement, on a tendance \u00e0 penser que la machine sera plus juste. C\u2019est tentant mais c\u2019est risqu\u00e9 car l\u2019intelligence artificielle va majoritairement apprendre sa propre repr\u00e9sentation d\u2019un comportement issu de donn\u00e9es. Ces m\u00eames donn\u00e9es\u00a0provenant de comportements humains. Ce n\u2019est donc pas la solution id\u00e9ale. Mais l\u2019IA pourrait lib\u00e9rer les managers de nombreuses t\u00e2ches de reporting qui constituent souvent 60 % de leur temps et ainsi se concentrer sur le coaching et le travail en \u00e9quipe pour le bien de tous. Le manager, comme je le d\u00e9veloppe dans mon livre, doit se transformer en leader. Il faut \u00eatre conscient des performances de l\u2019IA tout comme de ses limites. Il est imp\u00e9ratif de cultiver un esprit critique face aux recommandations d\u2019une intelligence artificielle.<\/p>