{"id":356,"date":"2014-02-27T15:23:51","date_gmt":"2014-02-27T14:23:51","guid":{"rendered":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/jean-guy-le-floch-president-d-armor-lux-expatrie-de-l-interieur\/"},"modified":"2023-07-18T10:02:21","modified_gmt":"2023-07-18T08:02:21","slug":"jean-guy-le-floch-president-d-armor-lux-expatrie-de-l-interieur-2","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/jean-guy-le-floch-president-d-armor-lux-expatrie-de-l-interieur-2\/","title":{"rendered":"Jean-Guy Le Floch, pr\u00e9sident d'Armor-Lux : expatri\u00e9 de l\u2019int\u00e9rieur"},"content":{"rendered":"

En 1994, Jean-Guy Le Floch reprenait avec son ami d\u2019enfance, Michel Gueguen, l\u2019entreprise de textile Armor-Lux. Devenue l\u2019un des symboles du Made in France suite \u00e0 la photo d\u2019Arnaud Montebourg posant en marini\u00e8re, l\u2019entreprise se veut aussi solidaire du territoire breton comme l\u2019ont prouv\u00e9 les bonnets rouges fournis par la marque. \u00a0Rencontre avec un dirigeant attach\u00e9 \u00e0 la pr\u00e9servation du savoir-faire et de l\u2019emploi autant qu\u2019\u00e0 ses racines. Propos recueillis par Aline G\u00c9RARD*.<\/span><\/p>

Quel bilan dressez-vous de l\u2019ann\u00e9e 2013 ?<\/strong>
\n2013 a \u00e9t\u00e9 pour nos v\u00eatements grand public une belle ann\u00e9e. Dans ce domaine, notre chiffre d\u2019affaires a progress\u00e9 d\u2019\u00e0 peu pr\u00e8s 10 %. Nous avons ouvert de tr\u00e8s beaux points de vente \u00e0 Plaisir (78), Gu\u00e9rande (44) et Vitr\u00e9 (35). Cela fonctionne tr\u00e8s bien. L\u2019ann\u00e9e a \u00e9t\u00e9 encourageante, malgr\u00e9 une crise que pour l\u2019instant nous ne sentons pas trop dans les actes d\u2019achats de nos fid\u00e8les consommateurs. Sans doute nos v\u00eatements sont-ils des v\u00eatements refuges.<\/p>

Quel regard portez-vous sur l\u2019avenir de la Bretagne, la r\u00e9gion est-elle selon vous r\u00e9ellement en crise ou est-ce simplement une crise de l\u2019agroalimentaire ?<\/strong>
\nNon, ce n\u2019est pas tellement une crise. Je crois que nous avons subi ici quatre accidents dans l\u2019agroalimentaire coup sur coup : Doux, Tilly-Sabco, Marine Harvest et Gad. Ce sont quatre accidents que le Finist\u00e8re (car c\u2019est essentiellement lui qui est touch\u00e9) va essayer d\u2019oublier tr\u00e8s vite. Au-del\u00e0 de cela, l\u2019agroalimentaire va se refaire une sant\u00e9 en rentrant dans des techniques avec plus de valeur ajout\u00e9e. Dans deux ou trois ans, je pense que tout cela sera oubli\u00e9.<\/p>

Pourquoi avoir choisi de vous associer au mouvement des Bonnets rouges ? Le regrettez-vous aujourd\u2019hui ?<\/strong>
\nJe m\u2019y suis associ\u00e9 \u00e0 deux titres. Tout d\u2019abord, j\u2019ai fourni 110 bonnets \u00e0 tous mes amis qui ont voulu en acqu\u00e9rir. Deuxi\u00e8mement, l\u2019ensemble du monde \u00e9conomique \u00e9tait pr\u00e9sent \u00e0 Quimper pour la manifestation. J\u2019y \u00e9tais avec le patron du Medef, avec ceux de toutes les chambres de commerce et d\u2019industrie et de m\u00e9tiers. Je ne regrette pas du tout d\u2019y avoir particip\u00e9.<\/p>

Comme vous le disiez pr\u00e9c\u00e9demment, vous \u00eates \u00e9pargn\u00e9s par la crise. Faut-il en conclure que vous avez fait de meilleurs choix, opt\u00e9 pour les bons positionnements et que les \u00e9checs dont vous parliez sont aussi dus en partie \u00e0 des erreurs strat\u00e9giques ?<\/strong>
\nIl y a de tout dans les accidents \u00e9conomiques que nous avons \u00e9voqu\u00e9s. Il y a sans doute de mauvaises appr\u00e9ciations de l\u2019avenir par les dirigeants. Mais il y a aussi \u2013 si l\u2019on prend le cas de Marine Harvest par exemple \u2013 la mondialisation, avec un centre de d\u00e9cision qui est compl\u00e8tement d\u00e9port\u00e9 en dehors de France et des arbitrages qui se font entre des usines \u00e0 bas co\u00fbts et d\u2019autres avec un Smic charg\u00e9 dont on conna\u00eet le niveau. Je crois qu\u2019il n\u2019y a pas de v\u00e9rit\u00e9.
\nIl y a certainement des actes de gestion qui ont \u00e9t\u00e9 mal \u00e9valu\u00e9s mais vous savez, nous sommes une PME, nous avons 600 personnes ; c\u2019est un petit bateau. Quand la mer est d\u00e9mont\u00e9e, les petits bateaux sont assez faciles \u00e0 mettre \u00e0 l\u2019abri. Les accidents dont nous parlons concernent d\u2019\u00e9normes vaisseaux, avec des milliers de personnes. Quand la temp\u00eate est l\u00e0, pour les faire man\u0153uvrer, c\u2019est un peu tard. Personne ne pouvait pr\u00e9voir qu\u2019en 2013, il y aurait un grand creux dans l\u2019\u00e9conomie. Et les plus gros, en tout cas dans le secteur agroalimentaire, sont les plus fragiles.<\/p>

Fin octobre, un mouvement d\u2019extr\u00eame droite a d\u00e9pos\u00e9 la marque Bonnets rouges \u00e0 l\u2019Institut national de la propri\u00e9t\u00e9 industrielle et vous a pr\u00e9c\u00e9d\u00e9s de quelques jours seulement. N\u2019avez-vous pas le sentiment que tout cela vous a \u00e9chapp\u00e9 ?<\/strong>
\nLa marque a \u00e9t\u00e9 d\u00e9pos\u00e9e par ce mouvement du sud de la France dans des classes qui ne concernent pas le textile. Donc cela ne nous touche pas. Mais il est vrai que ce d\u00e9p\u00f4t sauvage de marque n\u2019est pas tr\u00e8s sympathique.<\/p>

N\u2019avez-vous pas peur que cela salisse l\u2019image d\u2019Armor-Lux ?<\/strong>
\nFranchement non. Les bonnets rouges \u00e9taient une initiative bretonne qui \u00e9tait faite pour rester tr\u00e8s calme et tr\u00e8s digne. Les choses sont rentr\u00e9es dans l\u2019ordre apr\u00e8s quelques petits d\u00e9bordements regrettables. Nous sommes une marque bretonne, solidaire de son territoire. En tout cas, le Finist\u00e8re est d\u00e9sormais rep\u00e9r\u00e9 par les instances du pouvoir. Cela fait d\u00e9j\u00e0 deux fois que le ministre de l\u2019Int\u00e9rieur nous rend visite\u2026<\/p>

Vous \u00eates dipl\u00f4m\u00e9 de l\u2019\u00c9cole centrale de Paris, d\u2019un master en sciences \u00e0 Stanford et d\u2019expertise comptable. Vous avez \u00e9galement \u00e9t\u00e9 directeur du contr\u00f4le de gestion chez Bull \u00e0 Angers avant de rencontrer Vincent Bollor\u00e9. Qu\u2019est-ce qui \u00e0 l\u2019\u00e9poque vous a pouss\u00e9 \u00e0 rejoindre son entreprise ?<\/strong>
\nC\u2019est simple, je travaillais \u00e0 Angers et j\u2019\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s Breton, attach\u00e9 aux racines. Un jour, j\u2019ai lu une annonce dans Ouest-France (\u00e0 l\u2019\u00e9poque les recrutements fonctionnaient encore comme cela). Vincent Bollor\u00e9, qui venait de racheter son entreprise, cherchait un contr\u00f4leur de gestion pour le rejoindre dans un petit village breton, Sca\u00ebr, tout pr\u00e8s de Quimper. Mes parents y avaient \u00e9t\u00e9 instituteurs durant plusieurs ann\u00e9es, c\u2019\u00e9tait donc l\u2019un des bourgs o\u00f9 j\u2019avais v\u00e9cu ma toute premi\u00e8re jeunesse. Sur un lot de 50 ou 100 candidatures, j\u2019ai \u00e9t\u00e9 retenu apr\u00e8s des tests et apr\u00e8s avoir pass\u00e9 quelques heures avec Vincent et Michel-Yves Bollor\u00e9. L\u2019id\u00e9e \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 pour moi de revenir au pays.<\/p>

Lors de pr\u00e9c\u00e9dentes interviews, vous avez utilis\u00e9 la formule d\u2019expatri\u00e9 de l\u2019int\u00e9rieur. Celle-ci vous convient-elle toujours ?<\/strong>
\nOui, la Bretagne, c\u2019est toujours difficile d\u2019en partir. J\u2019ai toujours r\u00eav\u00e9 de revenir. Quand je suis rentr\u00e9 chez Vincent, c\u2019\u00e9tait pour \u00e7a. Heureusement pour lui, le groupe a progress\u00e9 tr\u00e8s vite et est devenu incroyablement grand et puissant. Il a alors fallu que je reparte vers Paris en 1985 pour rejoindre le c\u0153ur des d\u00e9cisions du groupe. J\u2019ai donc de nouveau quitt\u00e9 la Bretagne pour une petite quinzaine d\u2019ann\u00e9es.
\nJ\u2019ai tout appris avec Vincent. C\u2019est un visionnaire, c\u2019est un manager et financier hors pair. Mais je lui ai toujours dit que je rentrerais un jour, il le savait. Et puis j\u2019ai crois\u00e9 cette opportunit\u00e9 Armor-Lux, avec un propri\u00e9taire qui avait 89 ans, qui voulait absolument passer la main et tr\u00e8s peu de candidats \u00e0 la reprise. Il faut dire que le risque social \u00e9tait \u00e9norme. Il y avait \u00e0 l\u2019\u00e9poque 500 \u00e0 600 op\u00e9ratrices de confection dans un m\u00e9tier dont on disait qu\u2019il \u00e9tait condamn\u00e9.<\/p>

Pourquoi avoir choisi avec votre associ\u00e9 Michel Gueguen, un ami d\u2019enfance, de reprendre Armor-Lux ? Comment imaginiez-vous cette entreprise \u00e0 long terme ?<\/strong>
\n\u00c0 l\u2019\u00e9poque franchement, je pensais que le monde du textile \u00e9tait plus facile. Je croyais qu\u2019en achetant un peu de publicit\u00e9, en faisant un peu de communication autour de la marque, le chiffre d\u2019affaires allait se d\u00e9velopper plus rapidement. L\u2019une des difficult\u00e9s que j\u2019ai rencontr\u00e9es, c\u2019est une chose \u00e0 laquelle je ne m\u2019attendais pas. L\u2019entreprise \u00e9tait g\u00e9r\u00e9e de mani\u00e8re un peu unipersonnelle par son fondateur depuis sa cr\u00e9ation en 1938. Les cadres n\u2019avaient pas l\u2019habitude de prendre des initiatives importantes. Je venais d\u2019un grand groupe tr\u00e8s structur\u00e9 o\u00f9 ils prenaient plut\u00f4t plus de d\u00e9cisions qu\u2019il n\u2019en fallait. J\u2019ai eu une vraie rupture psychologique \u00e0 vaincre et malheureusement, au fil des mois, les cadres qui \u00e9taient l\u00e0 nous ont quitt\u00e9s car le rythme n\u2019\u00e9tait pas assez soutenu. Finalement, aujourd\u2019hui, nous avons reconstitu\u00e9 une \u00e9quipe d\u2019encadrement qui est fantastique et l\u2019entreprise est \u00e0 peu pr\u00e8s au m\u00eame niveau que ce dont je r\u00eavais \u00e0 l\u2019\u00e9poque.<\/p>

Cela signifie-t-il qu\u2019il est difficile de bousculer la culture d\u2019une entreprise que l\u2019on reprend ?<\/strong>
\nOui, dans ce cas, cela a \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s difficile. L\u2019ancien propri\u00e9taire qui avait 89 ans n\u2019a pas pu nous accompagner, il a donc fallu que l\u2019on se repose sur la seule m\u00e9moire d\u2019entreprise qui \u00e9tait l\u2019encadrement, mais qui n\u2019\u00e9tait finalement que le relais de transmission entre l\u2019usine et l\u2019\u00e9norme savoir-faire du fondateur. Avec Michel, nous avons beaucoup souffert car c\u2019\u00e9tait une culture tr\u00e8s monolithique, qui \u00e9tait celle du c\u00e9dant qui faisait tout de A jusqu\u2019\u00e0 Z. C\u2019\u00e9tait une maison tr\u00e8s paternaliste. En plus, nous ne connaissions pas le m\u00e9tier, il a fallu que l\u2019on donne un sacr\u00e9 coup de collier pour convaincre l\u2019encadrement de changer ou de partir. Malheureusement, la plupart ont choisi de partir et il est vrai que nous avons perdu deux ans. Mais nous avons aussi trouv\u00e9 en arrivant des op\u00e9ratrices de confection qui nous ont beaucoup aid\u00e9s.<\/p>

Comment l\u2019entreprise est-elle parvenue \u00e0 traverser les diff\u00e9rentes temp\u00eates depuis le rachat en 1994 ?<\/strong>
\nD\u2019abord avec beaucoup de t\u00e9nacit\u00e9, beaucoup d\u2019\u00e9nergie, mais \u00e7a je crois que c\u2019est propre \u00e0 la Bretagne. Nous n\u2019avons jamais baiss\u00e9 les bras et nous avons toujours montr\u00e9 un esprit de solidarit\u00e9 avec tous les salari\u00e9s. Dans les temp\u00eates les plus fortes, tout le monde a fait des sacrifices. Aujourd\u2019hui, ces gal\u00e8res sont derri\u00e8re nous, et d\u00e9finitivement derri\u00e8re nous puisque l\u2019entreprise est devenue sur le plan de son business model compl\u00e8tement sereine. Elle n\u2019est plus confront\u00e9e au risque fondamental de son m\u00e9tier d\u2019origine, le textile, qui est celui de la d\u00e9localisation vers des pays \u00e0 bas salaires comme le Bangladesh. Nous avons maintenant un mod\u00e8le \u00e9conomique qui nous permet de raisonner \u00e0 tr\u00e8s long terme.<\/p>

Les march\u00e9s publics repr\u00e9sentent une part importante de votre chiffre d\u2019affaires (entre 35 % et 40 %). Vous avez connu de beaux succ\u00e8s avec La Poste, la SNCF, mais en avril 2013 vous avez perdu le contrat de la Police nationale malgr\u00e9 le recours que vous aviez entrepris. Cela a-t-il d\u00e9stabilis\u00e9 la soci\u00e9t\u00e9 ?<\/strong>
\nC\u2019est s\u00fbr que l\u2019entreprise a \u00e9t\u00e9 d\u00e9stabilis\u00e9e. J\u2019avais l\u2019\u00e9quivalent de 30 \u00e0 35 personnes qui travaillaient sur ce dossier depuis 5 ans. Elles avaient l\u2019impression d\u2019avoir rendu un service irr\u00e9prochable aux 110 000 clients que repr\u00e9sente aujourd\u2019hui la Police nationale en France. Il y a eu ici tr\u00e8s clairement une \u00e9norme d\u00e9ception. Dans ces cas-l\u00e0, il faut que les dirigeants soient tr\u00e8s forts, gardent toujours le sourire et essayent de se projeter vers l\u2019avenir. Depuis, on r\u00e9pond \u00e0 beaucoup d\u2019autres appels d\u2019offres. Il s\u2019agit de d\u00e9montrer que ce n\u2019\u00e9tait qu\u2019un incident de parcours, regrettable certes, et que notre avenir dans ce segment du v\u00eatement professionnel et d\u2019image n\u2019est pas d\u00e9finitivement bouch\u00e9. Nous restons de tr\u00e8s bons acteurs.<\/p>

Vous restez aussi une PME face \u00e0 des poids lourds, est-ce compliqu\u00e9 ?<\/strong>
\nEffectivement, c\u2019est tr\u00e8s compliqu\u00e9 \u00e0 g\u00e9rer. Le march\u00e9 de la Police a \u00e9t\u00e9 remport\u00e9 par le Groupe GDF Suez dont le chiffre d\u2019affaires approche les 100 milliards d\u2019euros. C\u2019est certain que la lutte n\u2019est pas \u00e9gale. Se retrouver face \u00e0 des mastodontes, c\u2019est exactement le risque de ce m\u00e9tier. Mais si l\u2019on prend l\u2019exemple de GDF Suez, qui fait 100 milliards d\u2019euros de chiffre d\u2019affaires dans des m\u00e9tiers historiques, je pense qu\u2019ils comprendront qu\u2019en Europe le textile n\u2019offre pas \u00e0 des groupes de cette nature les taux de rentabilit\u00e9 que leur impose leur cotation en bourse. Ce ph\u00e9nom\u00e8ne va certainement s\u2019estomper assez rapidement.<\/p>

Quelle est votre strat\u00e9gie pour les ann\u00e9es \u00e0 venir ?<\/strong>
\nElle va consister en de nouvelles ouvertures de points de vente, dont deux ou trois en Europe du Nord dans les deux ans qui viennent. Et puis nous allons essayer de d\u00e9velopper tr\u00e8s fort l\u2019export en Asie et en Am\u00e9rique du Nord. L\u2019un des inconv\u00e9nients des PME, c\u2019est que le nombre de cadres est assez r\u00e9duit. On a beaucoup travaill\u00e9 ces dix derni\u00e8res ann\u00e9es sur les march\u00e9s publics et nous avons peut-\u00eatre d\u00e9laiss\u00e9 certains \u00e9l\u00e9ments importants, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019export et les ventes en ligne.<\/p>

Comment fait-on d\u2019une marque locale un symbole du Made in France ?<\/strong>
\nC\u2019est tout d\u2019abord le reflet de notre strat\u00e9gie depuis 20 ans. Nous avons toujours promis aux gens que nous ferions tout pour d\u00e9fendre leur emploi, surtout au personnel d\u2019ex\u00e9cution. Non seulement nous l\u2019avons fait, mais nous recrutons. Nous sommes de fervents d\u00e9fenseurs de l\u2019emploi breton et bien s\u00fbr de l\u2019emploi fran\u00e7ais. Si nous sommes quelque part devenus ce symbole, c\u2019est parce que nous nous sommes battus pour cela, et que nous avons eu la chance aussi de croiser l\u2019effet de communication du ministre Arnaud Montebourg.<\/p>

La mise en avant en tant que symbole du Made in France est-elle une force ou un cadeau empoisonn\u00e9 ? Une partie de la production \u00e9tant d\u00e9localis\u00e9e\u2026<\/strong>
\nD\u00e9localis\u00e9e n\u2019est pas le bon terme. Quand nous sommes arriv\u00e9s, l\u2019entreprise r\u00e9alisait 19 millions d\u2019euros de chiffre d\u2019affaires, avec 500 op\u00e9ratrices de confection. Aujourd\u2019hui, nous faisons 100 millions d\u2019euros, et nous comptons autour de 400 personnes ici \u00e0 Quimper. Nous n\u2019avons absolument pas d\u00e9localis\u00e9. Mais pour gagner beaucoup de march\u00e9s, surtout ceux des grandes administrations, il a fallu que nous fassions des cotations avec de la sous-traitance \u00e0 l\u2019\u00e9tranger. C\u2019\u00e9tait la seule solution pour les remporter. Ainsi, nous avons largement prot\u00e9g\u00e9 nos emplois fran\u00e7ais. Nous avons pris aujourd\u2019hui un rythme soutenu d\u2019embauches d\u2019op\u00e9ratrices de confection, gr\u00e2ce \u00e0 la protection que nous ont apport\u00e9 ces gros march\u00e9s et \u00e0 des partenaires que nous respectons \u00e9norm\u00e9ment (essentiellement situ\u00e9s au Maroc, en Inde, en Tunisie, en Bulgarie et en Roumanie).
\nCe n\u2019\u00e9tait donc pas pour nous un cadeau empoisonn\u00e9. Nous n\u2019en avons pas peur du tout parce que cela fait 15 ans que nous avons commenc\u00e9 \u00e0 sous-traiter \u00e0 l\u2019\u00e9tranger et cela fait 15 ans que cela se fait en toute transparence. Bien s\u00fbr, lorsqu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9poque le premier camion est arriv\u00e9, nos d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s du personnel et les syndicats ont eu un peu peur. Nous leur avons bien expliqu\u00e9 que tout cela \u00e9tait fait pour les prot\u00e9ger et que cela ne se ferait jamais \u00e0 leurs d\u00e9pens. Depuis 15 ans \u00e9galement, nous avons toujours \u00e9t\u00e9 francs et transparents avec les m\u00e9dias. Tout le monde sait que ces march\u00e9s publics, notamment, ne peuvent \u00eatre que fabriqu\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9tranger.<\/p>

Quel regard portez-vous sur la pr\u00e9servation du savoir-faire en France. De plus en plus d\u2019entreprises forment elles-m\u00eames les salari\u00e9s \u00e0 ces m\u00e9tiers qui se perdent, est-ce votre cas ?<\/strong>
\nC\u2019est quelque chose que nous avons \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9s de faire depuis deux ans. Nous recrutons des op\u00e9ratrices de confection que nous formons car nous n\u2019avons pas du tout envie que l\u2019\u00e2me de l\u2019entreprise s\u2019en aille avec des d\u00e9parts en retraite. C\u2019est un vrai challenge pour les entreprises fran\u00e7aises, parce qu\u2019il y a des pans entiers de l\u2019\u00c9ducation nationale qui ont disparu. Dans le textile, il n\u2019y a plus de formation de couturi\u00e8re en France. Nous sommes donc oblig\u00e9s de nous en charger nous-m\u00eames si nous voulons pr\u00e9server le savoir-faire fran\u00e7ais et breton. Maintenant que nous l\u2019avons compris, nous le faisons et nous le faisons bien. C\u2019est un beau succ\u00e8s. Nous sommes beaucoup aid\u00e9s par P\u00f4le emploi et les organismes de formation de notre profession. Les 15 premi\u00e8res op\u00e9ratrices que nous avons form\u00e9es n\u2019avaient jamais vu une machine \u00e0 coudre. Elles sont devenues op\u00e9rationnelles et au bout d\u2019un an nous avons propos\u00e9 15 CDI. 13 ont sign\u00e9. C\u2019est une exp\u00e9rience que nous allons renouveler tr\u00e8s vite.<\/p>

Quelle est votre vision du management ?<\/strong>
\nLe manager pour moi est un animateur qui insuffle de la coh\u00e9sion dans ses \u00e9quipes. Il doit \u00eatre visionnaire mais ne pas se m\u00ealer de tout.<\/p>

C\u2019est parfois difficile\u2026<\/strong>
\nOn y arrive quand on prend un peu de bouteille\u2026 ce qui est mon cas.<\/p>

Comment r\u00e9partissez-vous les r\u00f4les avec votre associ\u00e9 ?<\/strong>
\nNous sommes tout d\u2019abord extr\u00eamement proches car nous \u00e9tions sur les bancs de l\u2019\u00e9cole ensemble. Cela fait plus de 40 ans que nous nous connaissons, que nous nous c\u00f4toyons toutes les semaines, tous les jours. Nous nous r\u00e9partissons les r\u00f4les en fonction des savoir-faire et des exp\u00e9riences de l\u2019un et de l\u2019autre. Michel est un ing\u00e9nieur chimiste, donc il est parfaitement \u00e0 l\u2019aise dans son \u00e9l\u00e9ment dans le textile car cela se rapproche beaucoup du monde de la chimie. Moi je suis plut\u00f4t de formation g\u00e9n\u00e9raliste, j\u2019ai fait beaucoup de finance et de droit quand j\u2019\u00e9tais chez Vincent. J\u2019ai appris aussi \u00e0 faire un peu de communication car il \u00e9tait exceptionnel en termes de communication interne et externe. Michel s\u2019occupe de la gestion purement technique et scientifique de l\u2019entreprise, et moi de la gestion financi\u00e8re et juridique.<\/p>

Quelle est votre vision de la r\u00e9ussite et de la carri\u00e8re ?<\/strong>
\nUne carri\u00e8re r\u00e9ussie, ce n\u2019est s\u00fbrement pas une question d\u2019argent. C\u2019est le fait d\u2019avoir r\u00e9alis\u00e9 de belles choses et d\u2019avoir \u00e9t\u00e9 heureux durant sa vie professionnelle. Avec le recul, je sais que j\u2019ai fait des choses plut\u00f4t bien, que je n\u2019ai rien \u00e0 me reprocher sur le plan humain dans les \u00e9quipes que j\u2019ai g\u00e9r\u00e9es. Et puis j\u2019ai \u00e9t\u00e9 plut\u00f4t heureux dans tout ce que j\u2019ai fait. Cela me suffit largement. Et je pense que pour la plupart des gens qui sont ici, c\u2019est \u00e0 peu pr\u00e8s la m\u00eame chose.<\/p>

L\u2019amiti\u00e9 est-elle une valeur fondamentale dans l\u2019entreprise ?<\/strong>
\nOn vit dans un monde \u00e9conomique qui est de plus en plus difficile. Ma vision de l\u2019entreprise consiste \u00e0 dire que c\u2019est un peu la deuxi\u00e8me famille des gens qui y travaillent. Ils y passent presque autant de temps que dans leur vraie famille. Je crois que ce temps de travail doit se passer dans la meilleure des ambiances possibles, dans un bel esprit de camaraderie. Ainsi, l\u2019entreprise s\u2019en porte mieux. Avec mon associ\u00e9 (Michel Gueguen, ndlr), c\u2019est ce que nous pratiquons ici. C\u2019\u00e9tait d\u2019ailleurs aussi la fa\u00e7on de proc\u00e9der de Vincent Bollor\u00e9. J\u2019ai beaucoup appris dans les ann\u00e9es 1983-1984, au d\u00e9but du rachat de son entreprise. Il a vraiment tout fait pour qu\u2019il n\u2019y ait jamais un seul licenciement et pour prot\u00e9ger des ouvriers qui travaillaient dans des papeteries dont il savait qu\u2019il les fermerait. J\u2019ai vu sa fa\u00e7on de faire, cela m\u2019a \u00e9norm\u00e9ment appris. Cette dimension humaine dans l\u2019entreprise est vraiment essentielle, surtout en ces temps chahut\u00e9s.<\/p>

Avez-vous le sentiment qu\u2019il existe une fibre bretonne entrepreneuriale ou est-ce un mirage ?<\/strong>
\nNon, c\u2019est incontestable, c\u2019est l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit des gens ici. Il faudrait sans doute faire des \u00e9tudes d\u2019ethnologie pour savoir d\u2019o\u00f9 provient cette volont\u00e9 farouche d\u2019entreprendre. Je crois que cela vient en partie du fait que la Bretagne a connu une pauvret\u00e9 assez triste pour une r\u00e9gion. Les Bretons ont voulu prendre leur destin en main et ont voulu construire leur Bretagne nouvelle. Ce n\u2019est pas r\u00e9cent, le plus bel exemple de cette volont\u00e9 farouche cela a \u00e9t\u00e9 la carri\u00e8re d\u2019Alexis Gourvennec (leader de la r\u00e9volte paysanne bretonne de 1961, il fondera notamment Brittany Ferries, ndlr), qui reste pour nous ici un exemple, ou d\u2019un Jean-Pierre Le Roch qui a mont\u00e9 le groupe Intermarch\u00e9. Ce sont un peu mes deux r\u00e9f\u00e9rences. Tout le monde travaille dans cet esprit de conqu\u00eate et de construction.<\/p>

\u00a0<\/p>

* Interview publi\u00e9e dans le num\u00e9ro de f\u00e9vrier de Courrier Cadres.<\/p>

\u00a0<\/p>

Plus d\u2019infos\u00a0:<\/h4>

https:\/\/www.armorlux.com\/<\/a><\/p>

\u00a0<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

En 1994, Jean-Guy Le Floch reprenait avec son ami d\u2019enfance, Michel Gueguen, l\u2019entreprise de textile Armor-Lux. Devenue l\u2019un des symboles du Made in France suite \u00e0 la photo d\u2019Arnaud Montebourg posant en marini\u00e8re, l\u2019entreprise se veut aussi solidaire du territoire breton comme l\u2019ont prouv\u00e9 les bonnets rouges fournis par la marque. \u00a0Rencontre avec un dirigeant<\/p>\n","protected":false},"author":82,"featured_media":357,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_seopress_robots_primary_cat":"","_seopress_titles_title":"","_seopress_titles_desc":"","_seopress_robots_index":"","footnotes":""},"categories":[10,7],"tags":[],"class_list":["post-356","post","type-post","status-publish","format-standard","has-post-thumbnail","hentry","category-interviews-management","category-management"],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/356","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/users\/82"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=356"}],"version-history":[{"count":4,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/356\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":16095,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/356\/revisions\/16095"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/media\/357"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=356"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=356"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=356"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}