{"id":362,"date":"2013-10-31T10:28:12","date_gmt":"2013-10-31T09:28:12","guid":{"rendered":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/frederic-torloting-chez-courreges-il-y-avait-un-decalage-inoui-entre-le-potentiel-et-la-realite\/"},"modified":"2023-07-18T10:01:19","modified_gmt":"2023-07-18T08:01:19","slug":"frederic-torloting-chez-courreges-il-y-avait-un-decalage-inoui-entre-le-potentiel-et-la-realite","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/frederic-torloting-chez-courreges-il-y-avait-un-decalage-inoui-entre-le-potentiel-et-la-realite\/","title":{"rendered":"Fr\u00e9d\u00e9ric Torloting : Chez Courr\u00e8ges, \u201cil y avait un d\u00e9calage inou\u00ef entre le potentiel et la r\u00e9alit\u00e9\u201d"},"content":{"rendered":"

\u201cJ\u2019ai choisi mes successeurs\u201d. C\u2019est en ces termes que Coqueline Courr\u00e8ges, la femme d\u2019Andr\u00e9, a pr\u00e9sent\u00e9 Fr\u00e9d\u00e9ric Torloting et Jacques Bungert \u00e0 ses salari\u00e9s, lors du rachat de l\u2019entreprise en 2011. Ce n\u2019est donc pas un g\u00e9ant du secteur mais deux princes de la communication qui sont venus r\u00e9veiller la belle endormie. Dans son bureau parisien \u00e0 l\u2019atmosph\u00e8re lumineuse, rue Fran\u00e7ois Ier, o\u00f9 le blanc et la transparence r\u00e8gnent toujours, Fr\u00e9d\u00e9ric Torloting a dress\u00e9 pour nous un bilan de ces deux premi\u00e8res ann\u00e9es*. Propos recueillis par Aline G\u00c9RARD<\/span>.<\/p>

Vous inaugurez ce mois d\u2019octobre l\u2019atelier de Pau, site historique de la marque construit au d\u00e9but des ann\u00e9es 70 et que vous avez r\u00e9nov\u00e9 et remis aux normes. Qu\u2019est-ce que cet \u00e9v\u00e9nement repr\u00e9\u00adsente pour vous ?<\/strong>
C\u2019est important \u00e0 plusieurs titres. D\u2019abord c\u2019est au fond assez symbolique de notre projet. Je me rappelle tr\u00e8s bien du jour o\u00f9 nous sommes arriv\u00e9s \u00e0 Pau, dans cette usine incroyable. Globalement, le b\u00e2timent n\u2019avait pas \u00e9t\u00e9 refait depuis l\u2019origine. Nous avons donc le sentiment de prendre quelque chose d\u2019extraordinaire, et de le refaire comme il doit \u00eatre, en le projetant dans le XXIe si\u00e8cle.
C\u2019est un peu ce que nous faisons pour tout le reste aussi. Cela dit beaucoup sur le style. Ce que les gens ne r\u00e9alisent pas, c\u2019est qu\u2019il y a finalement tr\u00e8s peu de marques de v\u00eatements qui ont leur usine. Pour une raison simple, c\u2019est que tr\u00e8s peu de marques de v\u00eatements aujourd\u2019hui ont un style qui est clair. Les designers changent r\u00e9guli\u00e8rement, et par cons\u00e9quent, il vous faut un certain type d\u2019usines pour fabriquer un certain type de produits. Cela raconte notre volont\u00e9 de continuer sur un style que nous estimons fort, et qui pour nous ne repr\u00e9sente ni une contrainte, ni le pass\u00e9. C\u2019est une plate-forme sur laquelle on peut exprimer une cr\u00e9ation d\u2019avenir.<\/p>

Vous n\u2019avez pas fait appel \u00e0 un de ces couturiers que toutes les grandes maisons s\u2019arrachent. Pourquoi avoir choisi de vous appuyer sur l\u2019interne ?<\/strong>
Lorsque nous sommes arriv\u00e9s ici, il y a deux ans, nous avons d\u00e9couvert des gens de talent. Cela aurait pu \u00eatre l\u2019inverse. Nous aurions pu tomber sur des gens plan-plan, peu motiv\u00e9s\u2026 pas du tout ! Nous nous sommes donc dit qu\u2019il \u00e9tait absolument aberrant d\u2019aller chercher ailleurs des nouveaux qui allaient probablement s\u2019approprier quelque chose et le transformer. Nous avons certes envie de transformation mais dans un cadre ma\u00eetris\u00e9. Et nous avons des gens pour le faire. Ce sont des personnes qui ont 45 ans, qui ont \u00e9t\u00e9 form\u00e9es par Andr\u00e9 et Coqueline Courr\u00e8ges. Cela tient \u00e0 peu de chose que de perdre l\u2019histoire et l\u2019identit\u00e9 d\u2019une entreprise.<\/p>

Est-ce que cela a facilit\u00e9 le fait d\u2019\u00eatre accept\u00e9 par les \u00e9quipes ?<\/strong>
Nous ne l\u2019avons pas fait pour cela. \u00catre accept\u00e9 par les \u00e9quipes est une histoire de l\u00e9gitimit\u00e9. Le moment cl\u00e9, c\u2019est le jour o\u00f9 vous \u00eates pr\u00e9sent\u00e9s par la personne qui c\u00e8de l\u2019entreprise. Notre chance, c\u2019est que Coqueline a r\u00e9uni l\u2019ensemble de la soci\u00e9t\u00e9 pour lui dire : \u201cVoil\u00e0, j\u2019ai choisi mes successeurs\u201d<\/em>. Nous sommes quand m\u00eame dans des maisons de couture, assez hi\u00e9rarchis\u00e9es historiquement, organis\u00e9es pour satisfaire les besoins cr\u00e9atifs d\u2019une ou deux personnes. Si Coqueline fait un choix, les gens ont tendance \u00e0 le suivre.
Vient ensuite une p\u00e9riode de six mois o\u00f9 vous \u00eates jug\u00e9s sur ce que vous faites. En l\u2019occurrence, nous n\u2019avons pas gard\u00e9 les gens pour nous faire accepter, mais parce que cela se passait bien. Nous aussi avons fait nos \u00e9valuations pendant ces six mois. Il y a des personnes avec qui nous nous sommes trouv\u00e9s et d\u2019autres que nous n\u2019avons pas gard\u00e9es pour diff\u00e9rentes raisons.<\/p>

Comment expliquez-vous que cette marque au fort potentiel soit tomb\u00e9e en d\u00e9su\u00e9tude ?<\/strong>
Il ne s\u2019agit pas r\u00e9ellement de d\u00e9su\u00e9tude. Pour faire court, l\u2019histoire de la Maison a commenc\u00e9 en 1961 et cela a cartonn\u00e9 autour de 1965. Mais Andr\u00e9 Courr\u00e8ges se faisait copier de partout. Cela l\u2019a \u00e9nerv\u00e9.
Il ferme et fait autrement. Il construit une usine, forme 300-400 ouvri\u00e8res et rouvre deux ans plus tard, avec du pr\u00eat-\u00e0-porter haut de gamme. Sa conviction d\u2019ing\u00e9nieur est que cela sera pres\u00adque mieux fait que si c\u2019est r\u00e9alis\u00e9 artisanalement. Il inonde alors le monde avec des produits de tr\u00e8s bonne qualit\u00e9, faits \u00e0 Pau. Cela marche extr\u00eamement bien jusqu\u2019\u00e0 la fin des ann\u00e9es 70. Au d\u00e9but des ann\u00e9es 80, Andr\u00e9 Courr\u00e8ges apprend qu\u2019il a Parkinson. Il est tr\u00e8s jeune, mais se dit que cela ne va pas pouvoir durer tr\u00e8s longtemps.\u2008\u2008Quelque temps auparavant, il a sign\u00e9 des licences au Japon qui fonctionnent bien (c\u2019est d\u2019ailleurs l\u2019un des premiers \u00e0 l\u2019avoir fait ce qui \u00e9tait assez visionnaire). Il s\u2019interroge sur la personne \u00e0 qui transmettre et vend \u00e0 son licenci\u00e9 japonais. Cela n\u2019a pas march\u00e9 du tout. Il y a un moment o\u00f9 le style rattrape le business et quand le produit n\u2019est plus au rendez-vous, cela ne fonctionne pas. Cela a dur\u00e9 8 ou 9 ans, Andr\u00e9 et Coqueline ont fait un proc\u00e8s et ont finalement rachet\u00e9 leur entreprise. En 1994, ils\u2008redeviennent plei\u00adnement\u2008\u2008propri\u00e9tai\u00adres. Les parfums, qui avaient \u00e9t\u00e9 mont\u00e9s en\u2008\u2008joint-venture avec L\u2019Or\u00e9al et que ces derniers avaient revendus \u00e0 un grou\u00adp\u00ade suisse, sont \u00e9galement rachet\u00e9s par Coqueline. \u00c0 la fin des ann\u00e9es 90, alors qu\u2019elle a la soixantaine, elle se retrouve donc avec une entreprise qui n\u2019a plus de style clair et tout un syst\u00e8me \u00e0 reconstruire et \u00e0 purifier. Andr\u00e9 qui ne peut plus vraiment travailler se consacre \u00e0 de l\u2019artistique pur.
Coqueline avait \u00e9crit \u00e0 tous les grands magasins du monde en disant \u201cne venez plus nous voir, on ne vous vendra plus de produits, cela ne nous int\u00e9resse pas\u201d<\/em>. C\u2019\u00e9tait une d\u00e9su\u00e9tude d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e, donc ce n\u2019en \u00e9tait pas vraiment une. C\u2019\u00e9tait plut\u00f4t un business qui s\u2019arr\u00eatait.<\/p>

Elle souhaitait donc sauver l\u2019identit\u00e9 de la marque pour lui permettre de revenir un jour\u2026<\/strong>
Oui, et c\u2019\u00e9tait m\u00eame bien plus que cela. Elle avait rencontr\u00e9 plein de gens \u00e0 qui elle ne voulait pas transmettre. Elle disait : \u201cJe vais voir si je trouve ou si je ferme pour l\u2019honneur d\u2019Andr\u00e9\u201d<\/em>. Ce n\u2019est pas une histoire d\u2019argent, mais une histoire de vie. Ce sont des gens qui ont fait leur vie ensemble autour d\u2019un projet artistique presque plus que business, donc chaque chose est incarn\u00e9e.<\/p>

Qu\u2019est-ce qui a fait qu\u2019elle a trouv\u00e9 chez vous les bonnes personnes ?<\/strong>
Il faudrait lui demander mais je pense que le fait que l\u2019on soit un duo a compt\u00e9. Tous les jobs sont difficiles, mais franchement dans celui-ci, il y a une foule de choses \u00e0 faire et des tonnes de d\u00e9cisions \u00e0 prendre\u2026 autant \u00eatre deux. A fortiori dans un m\u00e9tier ou une entreprise que l\u2019on ne conna\u00eet pas. Quand vous \u00eates en duo et que vous pensez la m\u00eame chose, vous d\u00e9cidez facilement. Seul on est toujours plein de doutes.
Ensuite, je comprends tr\u00e8s bien maintenant pourquoi elle ne voulait pas de gens issus de la mode, parce que justement ce n\u2019est pas du tout une marque de mode.<\/p>

En quoi n\u2019est-ce pas une marque de mode ?<\/strong>
Il y a des produits qui ont travers\u00e9 40 ans et qui continuent \u00e0 \u00eatre vendus aujourd\u2019hui. Certes il faut y toucher un peu, c\u2019est comme une voiture. La Golf d\u2019aujourd\u2019hui n\u2019est pas identique \u00e0 celle des ann\u00e9es 70, mais cela reste une Golf. Les r\u00e9glages se font petit \u00e0 petit de mani\u00e8re presque imperceptible.<\/p>

Quel \u00e9tait l\u2019objectif pour deux publicitaires comme vous \u00e0 travers cette reprise ? \u00c9tait-ce de r\u00e9veiller la belle endormie ?<\/strong>
Tout d\u2019abord, je pense que nous sommes plus entrepreneurs que publicitaires. La publicit\u00e9 est un m\u00e9tier dans lequel nous sommes arriv\u00e9s tard, m\u00eame si nous avons fait de la communication toute notre vie. Nous avons fait de la publicit\u00e9 durant 5 ans car l\u2019actionnaire de Young & Rubicam (WPP, ndlr), \u00e0 qui nous avions vendu notre bo\u00eete, nous a propos\u00e9 de prendre la pr\u00e9sidence du groupe en France. Nous ne connais\u00adsions pas la pub, en plus la bo\u00eete n\u2019allait pas tr\u00e8s bien, nous nous sommes dit que ce serait compliqu\u00e9 et que c\u2019\u00e9tait un challenge. Pour nous qui voulions racheter une entreprise par la suite, c\u2019\u00e9tait un vrai terrain d\u2019entra\u00eenement, cela nous permettait de voir si nous en \u00e9tions capables. Cela a \u00e9t\u00e9 dur, mais finalement nous y sommes arriv\u00e9s. Et nous avons derri\u00e8re pu faire le saut que l\u2019on souhaitait.
C\u2019est un fantasme absolu que de reprendre une marque qui a eu et qui a encore un potentiel mon\u00addial mais qui est \u00e9conomiquement minuscule \u00e0 un instant T. Il y avait cette esp\u00e8ce de d\u00e9calage inou\u00ef entre le potentiel et la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>

Comment vous \u00eates-vous rencontr\u00e9s avec Jacques Bungert ?<\/strong>
Nous sommes de Metz tous les deux. Nous nous sommes connus en pr\u00e9pa et nous avons fait nos \u00e9tudes \u00e0 l\u2019EM Lyon. Nous avons habit\u00e9 en collocation comme tous les \u00e9tudiants.<\/p>

Se conna\u00eetre \u00e0 ce point peut-\u00eatre un atout, mais n\u2019est-ce pas surtout risqu\u00e9 ?<\/strong>
Quand Jacques a appel\u00e9 son p\u00e8re pour dire qu\u2019il allait cr\u00e9er une bo\u00eete avec moi, il l\u2019a engueul\u00e9 : \u201cPremi\u00e8rement, tu ne t\u2019associes jamais avec ton meilleur ami, c\u2019est la plus grosse b\u00eatise que tu puisses faire. Deuxi\u00e8mement, jamais \u00e0 50-50 !\u201d<\/em>. En r\u00e9alit\u00e9, c\u2019est tout l\u2019inverse, mais cela d\u00e9pend des motivations que vous avez. Si vous vous associez pour gagner de l\u2019argent, il est certain que ce n\u2019est pas la bonne chose \u00e0 faire.<\/p>

Pour Courr\u00e8ges, \u00eates-vous \u00e9galement associ\u00e9 \u00e0 50-50 ?<\/strong>
Toujours ! C\u2019est une d\u00e9cision que l\u2019on a prise au tout d\u00e9but. L\u2019id\u00e9e n\u2019\u00e9tait pas de gagner de l\u2019argent, c\u2019\u00e9tait de faire notre vie professionnelle ensemble. \u00c0 partir du moment o\u00f9 l\u2019on part de l\u00e0, l\u2019entreprise est un moyen au service de ce projet, et inversement, notre association se met au service de nos entreprises. Assez \u00e9tonnement, nous ne nous sommes pas f\u00e2ch\u00e9s une seule fois en 25 ans.<\/p>

Les banques parisiennes ont h\u00e9sit\u00e9 \u00e0 vous suivre sur le projet, et vous avez d\u00fb chercher les financements en Lorraine. Pour quelle raison ?<\/strong>
Je crois surtout qu\u2019elles ne sont pas organis\u00e9es pour cela. Vous avez toujours le centre d\u2019affaires du VIIIe arrondissement, avec des gens un peu blas\u00e9s qui traitent de grosses entreprises et qui voient arriver un projet de reprise d\u2019une bo\u00eete, o\u00f9 certes la marque leur parle, mais les repreneurs viennent d\u2019un autre m\u00e9tier. C\u2019est quand m\u00eame quelque chose de m\u00e9canique, il faut cocher un certain nombre de cases, pour passer \u00e0 l\u2019\u00e9tape suivante. Ce n\u2019est pas un syst\u00e8me qui nous convient.<\/p>

Pourtant la marque parlait d\u2019elle-m\u00eame\u2026<\/strong>
Oui, mais cela n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 une reprise tr\u00e8s classique, nous n\u2019avons pas fait d\u2019audit. Un jour avec Coqueline, nous nous sommes tap\u00e9s dans la main et nous nous sommes dit \u201cd\u2019accord, on le fait comme \u00e7a\u201d. Pour un banquier, c\u2019est quelque chose d\u2019\u00e9trange. Et puis notre syst\u00e8me \u00e0 deux est tr\u00e8s incarn\u00e9, tr\u00e8s relationnel aussi, il faut donc parler aux gens qui d\u00e9cident pour qu\u2019ils rentrent dans votre histoire. En province, vous y avez facilement acc\u00e8s, \u00e0 Paris, c\u2019est plus n\u00e9buleux, plus compliqu\u00e9. Mais nous trouverons des financements \u00e0 Paris aussi puisque nous arrivons sur une deuxi\u00e8me phase. Nous avons fait deux ans de remise en place de l\u2019outil \u00e0 tous points de vue, nous avons embauch\u00e9\u2026 \u00c0 la fin de l\u2019ann\u00e9e, on pourra consid\u00e9rer que nous sommes pr\u00eats pour vraiment aller sur le march\u00e9 mondial se confronter aux autres.<\/p>

Vous fabriquez l\u2019essentiel de vos produits en France (une petite partie est r\u00e9alis\u00e9e en Italie), \u00e0 Pau, mais aussi chez des prestataires. Le savoir-faire hexagonal n\u2019a donc pas disparu\u2026<\/strong>
Non, il y a des petites bo\u00eetes mais qui vivent difficilement. Je pense sinc\u00e8rement que ce sont des gens qui ne gagnent pas d\u2019argent. C\u2019est compliqu\u00e9 pour eux et c\u2019est aberrant. Le fa\u00e7onnier qui travaille le plus pour nous me disait qu\u2019il \u00e9tait pass\u00e9 \u00e0 c\u00f4t\u00e9 d\u2019une fille tr\u00e8s dou\u00e9e, parce qu\u2019elle demandait 1 750 euros et qu\u2019il ne pouvait lui donner que 1 650. Elle est donc all\u00e9e dans un atelier \u00e0 c\u00f4t\u00e9 qui fabrique des parachutes.
En valeur absolue, ce n\u2019est rien de faire en France, mais c\u2019est l\u2019accumulation des coefficients qui fait que cela devient beaucoup. Le fa\u00e7onnier repr\u00e9sente peut-\u00eatre 30 % de mon prix de vente. \u00c0 la fin, je vais multiplier un peu pour payer ma structure mais la distribution elle va faire fois trois, alors que vendre une robe \u00e0 500 ou 800 euros demande le m\u00eame travail. Nous n\u2019allons pas refaire le monde, mais cela vaut le coup de se battre un peu pour fabriquer en France. Il faut que ces ateliers perdurent.<\/p>

Combien de salari\u00e9s l\u2019entreprise compte-t-elle ?<\/strong>
70 en tout. Il y en a 25 environ \u00e0 Pau (m\u00e9cani\u00adcien\u00adnes, logistique, contr\u00f4le qualit\u00e9) et le reste est ici \u00e0 Paris. Il y en avait 53 \u00e0 peu pr\u00e8s quand nous avons repris. \u00c0 Pau, nous avons sign\u00e9 des contrats de g\u00e9n\u00e9ration et de professionnalisation. Nous avons une g\u00e9n\u00e9ration qui arrive en fin de carri\u00e8re et nous avons embauch\u00e9 des femmes qui ont une vingtaine d\u2019ann\u00e9es. Il faut donc les former. Dans le meilleur des mondes, je ne sais pas si on y arrivera, nous aimerions cr\u00e9er un vrai centre de formation dans le b\u00e2timent de Pau. Recr\u00e9er du savoir-faire serait une bonne chose. Surtout qu\u2019en France, il y a des aides. Mais cela prend du temps et nous avons 28 priorit\u00e9s \u00e0 g\u00e9rer. Il y a le potentiel en France pour faire de l\u2019industrie haut de gamme.<\/p>

Quelle est votre vision du management ?<\/strong>
C\u2019est assez particulier, je pense. Je ne sais pas si c\u2019est parce que nous sommes fain\u00e9ants, que nous faisons trop de choses, parce que nous faisons confiance, ou bien une combinaison des trois, mais nous avons tendance \u00e0 vraiment d\u00e9l\u00e9guer. Nous avons besoin de gens extr\u00eamement autonomes et entrepreneurs de leur propre projet. Je pense que c\u2019est assez agr\u00e9able pour ceux qui sont capables de l\u2019assumer.<\/p>

Les \u00e9quipes qui \u00e9taient pr\u00e9sentes fonctionnaient-elles comme cela ?<\/strong>
Pas du tout, c\u2019\u00e9tait d\u2019ailleurs assez d\u00e9stabilisant. Les salari\u00e9s \u00e9taient des gens extr\u00eamement d\u00e9di\u00e9s, mais qui ne r\u00e9pondaient pas \u00e0 une question que vous n\u2019aviez pas pos\u00e9e. Quand vous ne connaissez pas un business, c\u2019est super inqui\u00e9tant. Du coup nous nous sommes retrouv\u00e9s assez vite dans une hyper vigilance \u00e0 poser des questions m\u00eame \u00e9videntes, mais juste pour nous assurer qu\u2019il n\u2019y avait pas de probl\u00e8me.<\/p>

C\u2019est important de pouvoir contr\u00f4ler ce qui se passe\u2026<\/strong>
Oui, mais au bout de 25 ans de m\u00e9tier, vous avez aussi un peu d\u2019instinct et vous savez les moments o\u00f9 vous pouvez faire des impasses. Et de temps en temps, il y a un truc qui rate. Mais cela part d\u2019une id\u00e9e, c\u2019est qu\u2019il vaut mieux faire plein de choses, que 80 % soient bien et que 20 % soient compl\u00e8tement loup\u00e9es.
Peu d\u2019entreprises s\u2019autorisent cela aujourd\u2019hui, les grandes pas du tout. M\u00eame si en r\u00e9alit\u00e9 elles ratent beaucoup de trucs, elles mettent en place des syst\u00e8mes tr\u00e8s complexes pour essayer de ne jamais faire d\u2019erreur. Nous n\u2019avons pas les moyens de faire \u00e7a, donc nous faisons l\u2019inverse. Nous mettons en place des syst\u00e8mes hyper courts et hyper simples.
Quel bilan dressez-vous de ces deux ans ? Vous avez d\u2019ores et d\u00e9j\u00e0 doubl\u00e9 le chiffre d\u2019affaires\u2026
Oui, mais honn\u00eatement je n\u2019ai pas d\u2019objectif de chiffre d\u2019affaires \u00e0 court terme ou de profitabilit\u00e9. C\u2019est bien pour cela que nous n\u2019avons pas voulu acheter avec des fonds d\u2019investissement, nous voulions nous donner le temps de faire les choses bien. Premi\u00e8rement, ce qui est tr\u00e8s important pour nous dans ce bilan, c\u2019est que nous sommes toujours tr\u00e8s amis avec Coqueline Courr\u00e8ges. Notre relation s\u2019est construite au lieu de se d\u00e9truire.
Le deuxi\u00e8me point du bilan, c\u2019est qu\u2019en termes de business nous avons quand m\u00eame des signaux qui nous disent que le projet est valide. La boutique de la rue Fran\u00e7ois Ier fonctionne tr\u00e8s bien. Elle est \u00e0 + 55 % par rapport \u00e0 l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re, qui elle-m\u00eame \u00e9tait \u00e0 + 35 ou 40 % par rapport \u00e0 la pr\u00e9c\u00e9dente.
Parall\u00e8lement, nous avons reconstruit un certain nombre de relations de business avec de grands magasins et des multimarques dans le monde. C\u2019est encore petit en termes de volumes, mais cela prouve que le produit se vend dans un autre environnement, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de bien plus forts que nous.<\/p>

Coqueline Courr\u00e8ges ne se sent-elle pas trahie ?<\/strong>
Elle se sent trahie tout le temps, en permanence mais elle est contente de l\u2019\u00eatre. Elle se sent trahie avec respect. Elle a mis un petit mot sur la porte quand elle est partie \u00a0: \u201cCelui qui poursuit le pass\u00e9 soit le tue, soit est tu\u00e9 par lui\u201d<\/em>. C\u2019est une citation de Gandhi. Si nous arrivons \u00e0 continuer dans cet esprit, nous arriverons peut-\u00eatre \u00e0 faire un truc assez unique qui est une transmission r\u00e9ussie, dans un m\u00e9tier cr\u00e9atif.\u00a0\u00a0 \u00a0
\u00a0<\/p>

Nous avons tous en t\u00eate les images de la voiture \u00e9lectrique imagin\u00e9e par Coqueline Courr\u00e8ges. Projetez-vous de la lancer un jour ?<\/strong>
L\u2019id\u00e9e est n\u00e9e avant m\u00eame le choc p\u00e9trolier, durant les \u00e9v\u00e9nements de mai 68 ! \u00c0 l\u2019\u00e9poque, il y a la queue devant la pompe \u00e0 essence pr\u00e8s de la boutique, parce que les gens veulent partir en week-end mais il y a p\u00e9nurie. Elle se dit que le p\u00e9trole ne va pas durer et surtout elle qui aime la clart\u00e9, la couleur, trouve cela sale. (\u2026) Je l\u2019ai test\u00e9e et quand vous appuyez sur le champignon, \u00e7a part tout seul, c\u2019est assez g\u00e9nial. Mais elle n\u2019a jamais pass\u00e9 le cap de l\u2019industrialisation. Elle n\u2019avait pas le bon partenaire et \u00e0 l\u2019\u00e9poque les constructeurs n\u2019y croyaient pas particuli\u00e8rement. Nous aimerions bien trouver quelque chose \u00e0 r\u00e9aliser avec ce savoir-faire, parce que cela raconterait plus sur la marque que toutes les robes qu\u2019on peut imaginer. Mais d\u00e9velopper un v\u00e9hicule, c\u2019est un projet plus long.<\/p>

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* Article publi\u00e9 dans le num\u00e9ro d'octobre de Courrier Cadres<\/em><\/u>.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

\u201cJ\u2019ai choisi mes successeurs\u201d. C\u2019est en ces termes que Coqueline Courr\u00e8ges, la femme d\u2019Andr\u00e9, a pr\u00e9sent\u00e9 Fr\u00e9d\u00e9ric Torloting et Jacques Bungert \u00e0 ses salari\u00e9s, lors du rachat de l\u2019entreprise en 2011. Ce n\u2019est donc pas un g\u00e9ant du secteur mais deux princes de la communication qui sont venus r\u00e9veiller la belle endormie. Dans son bureau<\/p>\n","protected":false},"author":7,"featured_media":363,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_seopress_robots_primary_cat":"","_seopress_titles_title":"","_seopress_titles_desc":"","_seopress_robots_index":"","footnotes":""},"categories":[10,7],"tags":[],"class_list":["post-362","post","type-post","status-publish","format-standard","has-post-thumbnail","hentry","category-interviews-management","category-management"],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/362","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/users\/7"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=362"}],"version-history":[{"count":4,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/362\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":15759,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/362\/revisions\/15759"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/media\/363"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=362"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=362"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/courriercadres.cosavostra.com\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=362"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}