En France, une Constitution nous donne la garantie que nous sommes dans un \u00c9tat de droit. Mais ce n\u2019est pas le cas dans les entreprises. Alors que dans la soci\u00e9t\u00e9 civile, vous \u00eates libre de faire ce que vous voulez \u00e0 condition de respecter les lois, dans les organisations traditionnelles vous p\u00e9n\u00e9trez dans un r\u00e9gime f\u00e9odal, sans r\u00e8gles explicites. Les salari\u00e9s ne sont pas libres\u00a0et\u00a0doivent s\u2019adapter\u00a0\u00e0 un environnement opaque. Partant de ce constat, pourquoi ne cr\u00e9erait-on pas dans l\u2019entreprise une Constitution pour expliquer les r\u00e8gles d\u2019exercice du pouvoir\u00a0en son sein ?\u00a0Au dessus des managers, on cr\u00e9e un pouvoir constituant, qui encadre leur propre pouvoir.<\/p>
J\u2019ai pens\u00e9 le management constitutionnel<\/a>\u00a0\u00e0 travers un cas concret de Constitution qui permet aux employ\u00e9s d\u2019agir comme des entrepreneurs et d\u2019auto-d\u00e9terminer leur travail : l\u2019holacratie<\/a>. Ce syst\u00e8me, appliqu\u00e9 par plusieurs centaines d\u2019entreprises \u00e0 travers le monde, encadre le pouvoir pour mieux le redistribuer. Alors que les entreprises traditionnelles fusionnent hi\u00e9rarchie et organisation du travail,\u00a0ici l\u2019on s\u00e9pare\u00a0le pouvoir hi\u00e9rarchique (le contrat de travail) et\u00a0le pouvoir constitutionnel (le travail). Afin de donner du pouvoir \u00e0 tous.<\/p> Les entreprises lib\u00e9r\u00e9es<\/a> s\u2019inscrivent dans le m\u00eame mouvement. Un mouvement qui vise \u00e0 ce que les personnes se sentent plus utiles. Le lien de subordination n\u2019est pas supprim\u00e9, mais il est circonscrit. Ainsi, l\u2019on sait tout de suite qui fait quoi.\u00a0Avec de r\u00e9elles responsabilit\u00e9s (align\u00e9es sur\u00a0leurs zones de talents),\u00a0les salari\u00e9s\u00a0sont\u00a0plus enthousiastes : leurs missions prennent un vrai sens.<\/p> Avec\u00a0l\u2019holacratie, on d\u00e9finit les activit\u00e9s de chacun comme de petites entreprises. L\u2019organisation globale devient un \u00e9cosyst\u00e8me dans lequel chaque service est structur\u00e9 comme une start-up, et o\u00f9 chaque collaborateur devient le \u00ab\u00a0patron\u00a0\u00bb de ses activit\u00e9s sp\u00e9cifiques. Au sein de ce que l\u2019on appelle un \u201ccercle\u201d, chacun occupe un r\u00f4le \u00e0 part enti\u00e8re, sur lequel il peut peser.<\/p> \u00a0<\/p> \u00a0<\/p> Il faut avant tout une vraie raison de le faire. Passer d\u2019un r\u00e9gime f\u00e9odal \u00e0 un r\u00e9gime constitutionnel n\u2019est pas anodin. Un tel projet s\u2019inscrit sur le long terme et peut durer des ann\u00e9es. Parfois 10 ans. Et m\u00eame au bout d\u2019une dizaine d\u2019ann\u00e9es, il n\u2019est pas certain que l\u2019on ait r\u00e9ussi \u00e0 effacer totalement le mod\u00e8le pyramidal de tous les esprits. Cela prend du temps. D\u2019ailleurs, la plus grosse difficult\u00e9 se trouve plut\u00f4t du c\u00f4t\u00e9 des collaborateurs que des managers. Les salari\u00e9s n\u2019ont pas forc\u00e9ment envie de \u00ab\u00a0prendre le pouvoir\u00a0\u00bb et d\u2019avoir plus de responsabilit\u00e9s.<\/p> Il faut aussi respecter les collaborateurs dans leur changement d\u2019identit\u00e9. Le salari\u00e9 a sign\u00e9 un contrat de travail pour r\u00e9aliser certaines missions pr\u00e9cises. Quand on lui propose de devenir \u201cresponsable de ses r\u00f4les\u201d, il n\u2019est pas toujours d\u2019accord. Beaucoup d\u2019entreprises qui ont voulu se lib\u00e9rer ont fait l\u2019erreur de consid\u00e9rer que tous voulaient assumer des responsabilit\u00e9s. Il faut absolument obtenir l\u2019accord des collaborateurs, sans quoi ils freineront des quatre fers. C\u2019est\u00a0tout aussi\u00a0vrai pour les managers, qui changent\u00a0\u00e9galement d\u2019identit\u00e9.<\/p> \u00a0<\/p> \u00a0<\/p> On lit parfois qu\u2019il faudrait supprimer les managers, car ils ne sont plus utiles. Mais la r\u00e9alit\u00e9 est que les fonctions manag\u00e9riales\u00a0restent\u00a0n\u00e9cessaires. Avec le management constitutionnel, le manager n\u2019a plus la possibilit\u00e9 d\u2019exercer un pouvoir sur les personnes. Il n\u2019impose plus ses choix du fait d\u2019un ascendant hi\u00e9rarchique, mais assoit sa l\u00e9gitimit\u00e9 sur ses comp\u00e9tences, dans les r\u00f4les que la Constitution lui\u00a0a confi\u00e9.<\/p> M\u00eame dans le cadre de l\u2019holacratie, le manager reste essentiel. Car il est capable, plus que les autres, de ressentir les besoins de l\u2019organisation. Sans lui, personne ne traiterait ces besoins et\u00a0elle perdrait en performance. Ce qui change, c\u2019est surtout\u00a0sa posture :\u00a0sa mission est de prendre soin de ses collaborateurs<\/a>. Certes, cette posture entretient encore chez ces derniers une position de \u201csuiveurs\u201d, plus que de \u201cleaders\u201d. Mais son r\u00f4le est justement de les accompagner dans leur prise d\u2019autonomie. Avec le \u201cself-management\u201d comme finalit\u00e9.<\/p> Il est aussi possible que le manager ait envie de cr\u00e9er de la valeur autrement, c\u00f4t\u00e9 business. Ou qu\u2019il soit devenu chef d\u2019\u00e9quipe malgr\u00e9 lui, et qu\u2019il regrette son expertise pass\u00e9e. Dans un syst\u00e8me qui ne repose plus sur des chefs et des \u201cpetits-chefs\u201d, il peut faire le choix de retourner \u00e0 une posture de cr\u00e9ateur de valeur, au sein d\u2019un ou plusieurs \u201ccercles\u201d.<\/p> \u00a0<\/p> \u00a0<\/p> Avec la distance, la\u00a0crise a fait appara\u00eetre la n\u00e9cessit\u00e9 pour chacun d\u2019\u00eatre bien au clair sur ses responsabilit\u00e9s. De plus en plus de dirigeants souhaitent d\u00e9sormais cr\u00e9er un cadre clair pour les collaborateurs. Notamment en cr\u00e9ant des Constitutions.\u00a0Depuis dix ans,\u00a0j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 accompagn\u00e9 110 organisations dans la mise en place du management constitutionnel et de l\u2019holacratie. Il s\u2019agit souvent de PME, mais l\u2019on trouve aussi certaines grandes entreprises, comme Danone.<\/p> Rompre avec le mod\u00e8le conventionnel et garantir autonomie et responsabilit\u00e9 \u00e0 chacun permet finalement \u00e0 l\u2019entreprise d\u2019\u00eatre plus r\u00e9siliente. B\u00e2tie sur un corpus de r\u00e8gles explicites et tendant vers le self-management, elle fait bien mieux\u00a0face aux incertitudes, et est davantage capable de survivre \u00e0 ses propres patrons.<\/p> \u00a0<\/p> \u00a0<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Avec la crise, les entreprises ont donn\u00e9\u00a0plus d\u2019autonomie \u00e0 leurs collaborateurs. Mais serait-il possible d\u2019aller plus loin\u00a0demain ? Fondateur de l\u2019institut iGi, Bernard-Marie Chiquet est le th\u00e9oricien du \u201cmanagement constitutionnel\u201d, un mod\u00e8le d\u2019organisation bas\u00e9 sur l\u2019holacratie et la mise en place d\u2019une \u201cconstitution\u201d. 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Quels \u00e9cueils \u00e9viter afin de mettre r\u00e9ellement en place un tel syst\u00e8me ?<\/h3>
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Que devient, justement, le manager ?<\/h3>
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La crise que nous vivons depuis un an conforte-t-elle cette id\u00e9e d\u2019un management constitutionnel ?<\/h3>